Niger : Les fils de la désinformation tissés par Moscou pointent vers Paris.

Dans le tumulte des enjeux géopolitiques africains, un acteur discret mais ô combien habile a émergé, esquissant une partition aussi complexe qu’intrigante. À l’épicentre de cette danse subtile entre l’information authentique et la désinformation élaborée se trouve Wagner, une société militaire privée basée à Saint-Pétersbourg, orchestrant les mouvements stratégiques qui lient la Russie au continent africain.

Tel un maestro habile maniant sa baguette, Evgueni Prigojine, le cerveau vif derrière Wagner, définit les tonalités de cette symphonie inattendue. Des chercheurs distingués, Maxime Audinet et Emmanuel Dreyfus de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem), n’ont pas tardé à reconnaître Wagner comme le reflet miroitant de la présence russe en Afrique. Tel un motif récurrent dans une composition complexe, l’entreprise évoque une influence palpable de Moscou, disséminée habilement sur le continent.

L’instrument de choix de Wagner pour influencer les mélodies de l’opinion publique réside dans l’art subtil de la désinformation. Une démonstration raffinée de cette tactique s’est déroulée le 6 août, lorsque des comptes affiliés à l’entreprise ont orchestré une valse de fake news. Telle une mélodie envoûtante, cette campagne semait le doute sur l’arrivée imminente d’une troupe de combattants à Bamako, destinés à rejoindre les rangs nigériens. Une intrigue soigneusement élaborée, dont les ficelles étaient tirées depuis les sables du Mali, révélée par le collectif « All Eyes on Wagner« .

L’image qui émerge de cette toile complexe est celle d’un acteur rusé maniant à la fois l’épée et la plume. Wagner, bien plus qu’une simple entreprise, devient le protagoniste d’une saga politique en terre africaine. Une symphonie où la virtuosité consiste à naviguer entre les faits et la fiction, à orchestrer des notes de désinformation pour composer une mélodie influente. Les intrigues géopolitiques se tricotent ici avec une subtilité qui rappelle les meilleurs romans d’espionnage.

Dans cette trame, Wagner se hisse au rang de la cheville ouvrière des opérations informationnelles russes en Afrique, un prestidigitateur de l’influence dissimulé sous le voile de la sécurité, de la dignité et de la force. Comme un personnage sorti tout droit d’un roman noir, Wagner ajoute une touche de mystère et d’énigme à l’orchestre des relations internationales, une note qui résonne longtemps après que le rideau soit tombé sur la scène politique africaine.

Au Niger, désinformation en scène : Manipulation numérique et théâtre de l’irréel.

Dans ce théâtre des opérations contemporaines où la communication est une arme, l’ombre de l’opacité, le miroir de la propagande et les ruelles tortueuses de l’irrationnel dessinent les contours d’une narration orientée. Dans cette fresque nigérienne aux teintes sous-régionales, la guerre de l’information bat son plein. Les trolls modernes se donnent en spectacle, sur les planches numériques de TikTok et X (anciennement Twitter). Leurs créations, qu’elles soient raffinées ou simplistes, jonglent subtilement avec l’altération des images, le brouillage sonore, ou le décalage temporel. Nul besoin d’une maîtrise des arts de la synchronisation ou de la manipulation numérique.

Au cœur de ces derniers jours, alors que le sort du président Bazoum se jouait dans un ballet d’interprétations inquiètes et de répliques menaçantes, une vidéo virale d’une trentaine de secondes s’est frayée un chemin, dévoilant en apparence la clémence de la junte du général Tchiani à l’égard du chef de l’État évincé. Une marche libre, une aisance apparente – autant d’éléments qui ont conduit certains spectateurs du cyberespace à conjecturer la libération du président déchu. Et pourtant, une simple vérification a dévoilé les coulisses de cette captation, datée dès le mois d’avril…

Sans dévoiler les fils de la marionnette politique, il est indéniable que les détracteurs des putschistes et les partisans des coups d’État jouent sur ce même terrain de la décontextualisation pour servir leurs intérêts. Toutefois, le pouvoir de la désinformation n’agit pas toujours en harmonie. Diaboliser une junte, c’est tout autant l’accuser que lui tresser une couronne d’éloges, une dualité qui s’entremêle telle une valse sophistiquée.

La BBC, maîtresse ès vérification des faits, a récemment levé le voile sur plusieurs fausses informations prétendant au débarquement de mercenaires de Wagner au Niger. Ces récits trompeurs nourrissent les assertions des autorités américaines, évoquant un rapprochement entre Niamey et la société paramilitaire russe. Ainsi, BBC Verify a démasqué des images anciennes, présentées comme actuelles et nigériennes : l’atterrissage en 2006 d’un avion militaire russe IL 76 au Soudan, le ballet présumé de combattants de Wagner au Mali en janvier dernier, ou encore une photographie prise en Ukraine, où l’on prétendait voir des mercenaires russes se diriger vers le Niger.

Sur la scène numérique, deux autres déclarations fallacieuses, empruntant le costume de l’inquiétude ou du réconfort pour les internautes occidentaux, connaissent une valse persistante, notamment sur la piste d’Elon Musk. L’une proclame que la junte a d’ores et déjà « interdit l’exportation d’uranium vers la France », tandis que l’autre conte la détention d’Européens aux mains de l’armée nigérienne. Et pourtant, le groupe français Orano assure que ses activités d’extraction d’uranium demeurent imperturbables face aux tumultes politiques. Quant à la seconde rumeur, le général Tiani a tenu à clarifier que les ressortissants français n’avaient jamais été confrontés à la moindre menace. Voilà comment la manipulation tisse sa trame…

Des illusions tissées, l’ombre Russe à l’œuvre.

Une fois de plus, les vents hostiles se déchaînent depuis le Niger en direction de la France. Dans ce pays, une danse subtile de désinformation s’élève, accusant Paris d’avoir orchestré des enlèvements d’enfants. Leurs cris se mêlent à une symphonie perfide, créée par un site affilié à Wagner, l’énigmatique entité militaire russe, et amplifiée par les voies diplomatiques de Moscou.

Les mailles tissées par la toile propagandiste russe n’ont plus besoin de preuves. Enfonçant ses racines en Afrique, elle infiltre notamment le Niger, où ses tentacules se multiplient depuis le coup d’État du 26 juillet dernier. Les manœuvres s’épanouissent pour alimenter le feu de l’hostilité envers la France, dans une région déjà en proie aux tumultes. L’histoire la plus récente en date se profile, une rumeur qui a jailli le mercredi 9 août, accusant Paris à tort d’avoir orchestré des « enlèvements massifs d’enfants » dans le pays.

L’art de cette manipulation trouve sa source dans les fils délicats des réseaux russes, orchestrés par la « Fondation pour Combattre l’injustice ». Sur son site, accessible en anglais, français et russe, cette organisation dévoile ce message : « Il semble que l’armée française ait entrepris de réaliser des enlèvements massifs d’enfants. » Au milieu de ces allégations, l’organisation insinue que le sort de ces jeunes reste « inconnu », un sort mêlé d’ombres où ils pourraient être voués à « l’esclavage et à l’exploitation sexuelle ».

Pour preuve, le texte s’appuie sur « ses propres sources », dissimulées dans l’obscurité, et évoque un vol d’Air France reliant Niamey à Paris le 2 août dernier. Une banale occurrence, car ce fut le quatrième vol affrété par le gouvernement français pour évacuer ses citoyens, ainsi que d’autres âmes du globe.

Les toiles sont tissées, les fils dévoilés.

En coulisses, l’organisation se dévoile sous le nom de « Fondation », prétendant œuvrer pour les droits de l’homme sur l’échiquier mondial. Cependant, cette ONG est liée à Evgueni Prigojine, un lien transparent, clairement énoncé sur le site. Le même Prigojine, magnat derrière le rideau de Wagner, l’entité énigmatique, qui a orchestré cette fondation au printemps 2021, s’élevant contre les oppressions en Occident. Un paradoxe saisissant, reconnu par l’observateur vigilant du Monde, d’autant que Prigojine est mêlé à des actes de violence contre les opposants russes. Notons que cette marionnette d’influence est manipulée par Mira Terada, également connue sous le nom d’Oksana Vovk, une « propagandiste personnelle du patron de Wagner ».

Dans un passé révolu, cette plateforme se concentrait principalement sur l’exacerbation des clivages en France, relançant les débats sur les brutalités policières. Aujourd’hui, elle se consacre à attiser le ressentiment anti-français à l’échelle mondiale. Un jeu cautionné par le Kremlin ? Les liens avec la diplomatie russe se trament avec évidence.

Sources :

LCI, 25 février 2023 : « La guerre que mène la Russie à l’Ukraine depuis un an se joue aussi sur le front de l’information. Communication lissée, fake news et usines à trolls, la machine à propagande est infatigable. Ce vendredi, l’équipe des Vérificateurs revient sur l’armée de désinformateurs menée par Evgueni Prigojine, le chef du groupe paramilitaire Wagner. »

France Culture, Jeudi 5 mai 2022 : Cyber Front Z : les usines à trolls russes tournent à plein régime : 640 euros par mois pour poster 200 commentaires par jour sur les réseaux sociaux occidentaux : voici l’offre d’emploi proposée par l’usine de trolls Cyber Front Z. Selon un récent rapport britannique, le groupe aurait des liens très proches avec l’Internet Research Agency et le Kremlin. » https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-des-reseaux-sociaux/cyber-front-z-usine-a-trolls-russe-financee-par-le-kremin-7860499