Analyse Psychosociale : Surveillance des salariés en télétravail.

La récente normalisation des pratiques de surveillance des salariés en télétravail, notamment à travers l’utilisation de logiciels de contrôle, révèle une dynamique complexe entre la quête de productivité, la préservation de la confidentialité et les implications psychosociales au sein de l’environnement professionnel. Cette tendance, amplifiée par la pandémie du Covid-19 et l’essor du télétravail, suscite des interrogations quant à ses impacts sur le bien-être des employés et la confiance au sein des entreprises.

Dans ce nouveau contexte, les logiciels de surveillance, souvent désignés sous le terme évocateur de « bosswares », font leur entrée en scène. Ces outils, qui varient de la surveillance des regards captés par la webcam à l’enregistrement des frappes au clavier, sont perçus comme des solutions pour maintenir une supervision à distance, garantir la productivité et éviter les dérives. Aux États-Unis, près de six employeurs sur dix optent pour de telles méthodes, tandis qu’en France, leur adoption demeure plus discrète et sujette à des débats complexes.

La normalisation de ces pratiques soulève des questions psycho-sociales importantes. D’un côté, les employeurs justifient ces logiciels par la nécessité d’assurer le rendement optimal des employés en l’absence d’un cadre de travail traditionnel. Cependant, cette quête de productivité pourrait se confronter aux besoins psychologiques des salariés, tels que la confidentialité, l’autonomie et le sentiment de confiance. La surveillance continue peut générer un sentiment d’insécurité psychologique, affectant ainsi la motivation et la créativité des individus. L’effet de « panique d’achat » mentionné par Bloomberg reflète cette réaction des entreprises face à la soudaine transition vers le télétravail.

D’un autre côté, la montée en puissance de ces pratiques suscite des préoccupations liées aux droits fondamentaux des employés, notamment la vie privée. La normalisation des « bosswares » peut alimenter un climat de surveillance constante, nuisant à la cohésion sociale au sein des entreprises et à la relation employeur-employé. Cette situation pourrait engendrer une dynamique de méfiance, où les employés se sentent observés et jugés en permanence, générant un stress supplémentaire et des tensions psychologiques.

Il est essentiel de comprendre que les enjeux psycho-sociaux dépassent le simple aspect de la surveillance. Les décisions organisationnelles concernant l’adoption de tels outils doivent tenir compte des aspects humains et émotionnels des employés. La confiance et la communication transparente deviennent primordiales pour équilibrer les objectifs de productivité et les besoins psychologiques.

L’utilisation croissante des logiciels de surveillance dans le télétravail révèle les tensions entre la poursuite de l’efficacité professionnelle et le bien-être émotionnel des employés. La balance entre la nécessité de contrôle et la protection de la vie privée soulève des questions complexes et interpelle les organisations à repenser leurs stratégies de gestion pour préserver la santé mentale et la confiance au sein de leurs équipes…

Source : Leïla Marchand, “Télétravail : ces outils qui surveillent les salariés”, 17 août 2023, site “Les Échos“. https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/teletravail-ces-outils-qui-surveillent-les-salaries-1970500