Le monde intellectuel français est endeuillé par la perte d’une de ses figures les plus éminentes, Jacques Julliard, décédé à l’âge vénérable de 90 ans. Historien émérite et éditorialiste de renom, il laisse derrière lui un héritage intellectuel et politique marquant, ayant œuvré tant pour Le Figaro que pour Marianne, deux publications auxquelles il a consacré une grande partie de sa carrière.
Jacques Julliard s’est éteint dans la discrétion, mais sa contribution à la pensée politique française résonne avec force à travers les âges. Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne, a exprimé avec émotion : “Cher Jacques, vous avez offert à Marianne votre humanité, votre immense culture, votre intelligence. Merci de tout cœur.” Ces mots, empreints de gratitude et de respect, reflètent l’impact profond qu’a eu cet érudit sur la sphère intellectuelle de notre pays.
Son parcours impressionnant a été marqué par une quête incessante de compréhension de la gauche française, qu’il a scrutée sous divers angles, en tant que journaliste, universitaire, historien et syndicaliste. Il a consacré une grande partie de sa vie à analyser et à décortiquer les méandres de cette composante fondamentale de la politique française.
Le Parti socialiste, au sein duquel Jacques Julliard milita dès les années 1970, le considérait comme un de ses intellectuels les plus éminents. Il ne se contenta pas de suivre le courant dominant, mais incarna l’esprit de la “deuxième gauche,” une tendance de pensée qui s’opposait résolument à la première, incarnée par la vision mitterrandiste. Cette rupture idéologique qu’il incarna fut essentielle dans l’évolution du parti et a contribué à ouvrir de nouvelles perspectives politiques.
Tout au long de sa carrière, Jacques Julliard a été un pilier du Nouvel Observateur, aux côtés de Jean Daniel, le fondateur du magazine de gauche. Pendant 32 ans, il a été un contributeur majeur à ce média influent, façonnant le discours intellectuel de l’époque. Cependant, en 2010, il décida de relever un nouveau défi en rejoignant les rangs de Marianne en tant qu’éditorialiste. À l’âge de 84 ans, en 2017, il ne ralentit pas son rythme effréné, rédigeant également une chronique mensuelle pour Le Figaro.
Sa carrière et son influence ne se limitent pas à la politique et au journalisme. Sa contribution à la vie intellectuelle française est incommensurable, laissant une empreinte indélébile sur la réflexion politique contemporaine. Son décès a été salué par des personnalités politiques de tous bords, y compris l’ancien président François Hollande, qui a rendu hommage à “une grande voix républicaine, humaniste et socialiste” et a souligné la perte de l’une des plumes les plus brillantes de la presse et de la gauche françaises.
Jacques Julliard est né le 4 mars 1933 à Brénod, dans l’Ain, au sein d’une famille de notables locaux. C’est dans un milieu républicain de tradition radicale qu’il a fait ses premiers pas, avant de s’engager dans une carrière intellectuelle qui allait marquer son époque. Au-delà de sa propre renommée, il laisse derrière lui un héritage durable, symbolisé par son fils, Jean-François, nommé directeur du Canard Enchaîné en 2023, perpétuant ainsi la tradition de l’engagement intellectuel et journalistique qui a caractérisé la famille Julliard.